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Séverine Vézies : ceux qui ont intérêt à ce que ça change doivent reprendre leur destin en main !

Dans cet entretien la bisontine Séverine Véziès, l’un des visages de la gauche en Franche-Comté, revient sur son parcours et sur les priorités qu’elle compte défendre au parlement européen. En rupture avec les politiques de Macron, elle alerte sur ce que représentent les listes Bardella et Glusckmann et invite « Celles et ceux qui ont intérêt à ce que ça change à reprendre leur destin en main ! »

Séverine Véziès (Crédit photo : Claire Jacquin)

Membre de la coordination nationale de LFI et directrice de publication du Journal de l’Insoumission, Séverine Véziès est candidate en 13ème position sur la liste de Manon Aubry.

1-Quels sont selon vous les enjeux de ces élections ?

L’enjeu, c’est tout d’abord de s’opposer à cette Europe libérale qui met à mal les conditions de vie de nos concitoyen.nes. On pense souvent que l’Europe c’est loin et pourtant les politiques qui y sont menées ont des conséquences directes sur nos vies et notre quotidien. Prenons deux exemples de directives adoptées en avril dernier et contre lesquelles nos eurodéputé.es ont été bien seul.es à s’opposer : le marché de l’électricité et le nouveau pacte budgétaire. Le premier va mettre fin aux tarifs réglementés avec pour conséquence l’explosion de nos factures, le second acte le retour de l’austérité et donc le massacre de nos services publics déjà bien mal en point.

Nous pouvons mener des combats victorieux au Parlement européen comme Leïla Chaibi l’a fait avec la directive des travailleurs ubérisés qui va leur permettre de bénéficier d’une présomption de salariat et donc des protections attachées au contrat de travail ou la directive sur le devoir de vigilance que Manon Aubry a porté afin que les firmes multinationales rendent des comptes des atteintes aux droits humains et à notre environnement commises dans toute leur zone d’influence (c’est-à-dire sous-traitants compris).

On peut donc mener des combats et faire une Europe des peuples et non des marchés. Pour cela, il nous faut être les plus nombreux.ses possibles à entrer au Parlement européen le 9 juin.

Et puis, cette élection est aussi éminemment politique. L’après Macron démarre le 9 juin et nous construisons l’union populaire qui est la seule alternative crédible à la macronie et à l’extrême droite. Cette alternative à gauche doit se faire sur une base de rupture, sociale, écologique et démocratique.


2-Vous êtes 13ème sur la liste de Manon Aubry en position éligible, quelles seront vos priorités élue au parlement européen ?

Le point de départ de mon engagement c’est la défense des droits humains et notamment le droit des étrangers parce que je considère que c’est l’antichambre des attaques qui sont ensuite menées sur nos droits à tous et toutes. Des ponts, pas des murs. C’est ce que je continuerai à défendre face à leur Europe forteresse qui a transformé la Méditerranée en cimetière.

Et puis, il y a deux autres thèmes qui sont en lien avec les enjeux de notre région. La Bourgogne-Franche-Comté est une région industrielle et la plus rurale de France. Je suis originaire du Pays de Montbéliard et comme beaucoup d’enfants du Nord-Franche-Comté mon histoire familiale est marquée par cette histoire industrielle. Avec notamment Stellantis, ex Peugeot-Sochaux. C’est la plus vieille usine de France, 1912. À travers cet exemple, c’est toute l’histoire de notre industrie que l’on peut y voir. Cette évolution je la connais bien parce que comme on dit chez moi, je suis une fille de la peuj’ ! Mon grand-père y était ouvrier, mes oncles et tantes, ma sœur, et mon père y a travaillé notamment 20 ans de nuit. De 40 000 ouvriers dans les années 70, à moins de 6000 aujourd’hui. Avec d’un côté, des conditions de travail qui se sont dégradées pour les salarié.es et de l’autre des actionnaires et des patrons qui se gavent à l’image de M. Tavarès qui s’est versé 36,5 millions d’euros de rémunération en 2023. Cela représente 1700 fois le SMIC ! Je ne crois pas que M. Tavarès ait 1700 fois plus de mérite que les ouvriers à la chaîne !


Comment en est-on arrivé là ? Que ce soit à la tête de l’État, au sein des institutions européennes ou à la tête de nos firmes industrielles, il n’y a plus de vision industrielle.

Les grandes firmes ne sont plus dirigées par des industriels mais par des financiers. Les délocalisations sont devenues une stratégie en soit, leur seul objectif : baisser les coûts pour dégager le plus de profit possible. Du côté de la puissance publique, l’argent du contribuable est dilapidé dans des aides et subventions sans même leur demander de rendre des comptes.

Les délocalisations d’ici se jouent à Bruxelles. Et la réalité est que depuis des années l’Union européenne a multiplié les accords de libre-échange. Ces accords sont une stratégie perdant-perdant : moins d’emplois et des produits de moins bonne qualité ici et moins de droits là-bas puisque les travailleurs y sont payés au lance- pierre.

Le modèle industriel que nous défendons, c’est de savoir produire ce dont nous avons besoin ici et non pas le faire venir de l’autre bout du monde. C’est un enjeu social, écologique et de santé publique. C’est pourquoi nous appelons à un protectionnisme écologique et solidaire.

Et je suis très fière d’être candidate sur la liste dont la tête de liste est Manon Aubry qui préside le seul groupe au Parlement européen qui n’a jamais donné une seule voix à ces accords de libre-échange. Le 9 juin, en votant pour la liste de l’UP, vous voterez pour celleux qui défendent nos industries, nos agriculteurs !


Autre combat, la défense des services publics. Mes origines populaires et ouvrières font que je dois beaucoup à l’École de la République. Celle qui jouait encore véritablement son rôle d’ascenseur social. Et si je suis devenue enseignante, c’est pour transmettre à nos jeunes ce que l’École m’a donné. Mais aujourd’hui, je suis en colère de constater que 30 ans de libéralisme et de casse des services publics ont mis à mal ce merveilleux outil d’émancipation qu’est l’École publique.

Mais l’École n’est pas la seule victime. Hôpital, justice, transports… Notre région, la Bourgogne-Franche-Comté, région la plus rurale de France est particulièrement frappée à l’image des déserts médicaux qui s’installent en Haute-Saône, dans le Jura, dans l’Yonne…

Et c’est parce que les services publics sont la richesse de celleux qui n’en ont pas, que leur défense sera au cœur des combats que je mènerai au Parlement Européen.

Voici 3 exemples de thèmes qui me paraissent importants mais je suis une touche-à-tout et je compte bien être là partout où il faudra pour défendre les intérêts du peuple ! Je sais d’où je viens, pour qui et pour quoi je me battrai au Parlement européen.

3- L’enjeu de ces élections, vous l’avez rappelé, c’est de créer une dynamique progressiste face à la dynamique du RN à la présidentielle de 2027. Que dites-vous aux électeurs « fâchés mais pas fachos » qui pourraient se tourner vers le RN ?


Le RN est une arnaque. J. Bardella, quand il trouve le chemin du Parlement européen, vote contre les intérêts du peuple. C’est un menteur et un feignant. Plus globalement, que ce soit à l’Assemblée Nationale ou au parlement européen, leurs votes témoignent de leur vraie nature : loin d’être anti-système comme elle le prétend, l’extrême droite est la deuxième peau du système. Ils votent contre les augmentations de salaires, contre les droits des femmes, contre la taxation des superprofits… Ce sont les meilleurs alliés des Macronistes avec qui ils votent les mesures libérales. Et les Macronistes le leur rendent bien en reprenant leur fonds de commerce haineux raciste par exemple en faisant voter la loi immigration en France en 2023 et le pacte asile immigration au Parlement européen.

A contrario, nos député.es et eurodéputé.es insoumis.es font ce qu’ils disent : mener la bataille sur le terrain et dans les institutions contre le système capitaliste qui fait deux victimes : les êtres humains et notre écosystème.


4– Lors des élections législatives la gauche était rassemblée derrière le programme de la NUPES. Lors de cette élection européenne, on voit clairement deux lignes se distinguer : celle de Manon Aubry (la vôtre) et celle de Raphaël Glusckmann. Qu’est-ce qui vous différencie ?

M. Glucksmann incarne le retour de la social-démocratie qui a trahi et failli détruire la gauche si les insoumis.es n’avaient pas été là en 2017 puis 2022. On le voit bien au fur et à mesure de la campagne, les langues se délient : M. Glucksmann se prononce contre la retraite à 60 ans (alors même que ce combat est le plus puissant que le pays ait connu ces dernières décennies), pour le marché de l’électricité (qui comme je le rappelais va entraîner une explosion des factures), pour une immigration utilitariste et le renvoi des porteurs d’OQTF…. ses partenaires socialistes européens avec qui il siège ont co-écrit et voté avec la droite européenne le pacte d’austérité… Derrière Glucksmann c’est le retour des éléphants du PS, la ligne Hollande-Valls.


Avec Manon Aubry, nous restons fidèles à nos engagements de 2022 et au programme de la NUPES. Nous ne sommes pas là pour négocier le poids des chaînes mais pour changer la vie des gens. C’est le sens de notre slogan, « Donnez-nous la force de tout changer ! ».


5 - La présidente de la Région Marie-Guitte Duffay au moment de la publication de la liste du PS, reprochait sur Twitter « un parisianisme ». Elle estimait que « La Région BFC, et ce n’est pas la seule, est complètement effacée du combat européen ». En quoi votre liste incarne-t-elle plus le territoire et la diversité de sa population ?

Notre liste est celle de l’union populaire. C’est-à-dire le rassemblement de toutes celleux qui se reconnaissent dans ce programme progressiste et humaniste que les insoumis.es portent depuis 2017, puis 2022 et qui a jeté les bases du programme de la NUPES. Ses candidat.es sont issu.es de diverses forces politiques qui souhaitent y rester fidèles à l’image de Damien Carême (eurodéputé écologiste), Arash Saiedi (ex-coordinateur de Génération’s), Camille Hachez (ancienne responsable nationales des jeunes écologistes)…, de militants pour les droits humains comme Rima Hassan, des syndicalistes comme Anthony Smith ou Brahim Ben Ali, des militants des quartiers populaires comme Mohammed Bensaada, des agriculteurs comme Muriel Pascal… Ils sont le reflet de la société dans la diversité des combats de société qui se jouent actuellement et d’un point de vue sociologique.

6- Quelle message voulez-vous transmettre aux électeurs de gauche qui hésitent à voter ou qui ne pensent pas voter ?

Les riches et les racistes votent et vous ?

E. Macron mène la politique qui correspond aux intérêts de son électorat dominant. L’analyse de Piketty et Cagé a montré que c’était l’électorat le plus bourgeois qu’on ait connu ces dernières années dans le clivage gauche/droite. Au niveau du Parlement européen, c’est aussi cette lutte des classes qui est à l’œuvre.

Celles et ceux qui ont intérêt à ce que ça change doivent reprendre leur destin en main !

Alors aux urnes ! Aidez-nous à renverser la table !