Hommage dolois à Jaurès
Une cinquantaine de personnes rendent hommage à Jaurès devant le pavillon des Arquebusiers à Dole jeudi 31 juillet.
La paix de Jaurès face aux canons d’aujourd’hui
Dole, jeudi 31 juillet 2025 — Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées ce jeudi 16h devant la stèle Jean Jaurès pour lui rendre hommage, 111 ans jour pour jour après son assassinat. L’événement a été marqué par plusieurs prises de parole, appelant à faire vivre la pensée de Jaurès dans les combats d’aujourd’hui : pour la paix, la justice sociale et le refus de toutes les formes de domination.
Daniel Brémond (Libre Pensée) : « Le capitalisme, c’est la guerre »
Daniel Brémond, au nom de la section de Dole de la Libre Pensée, a ouvert la cérémonie par un salut fraternel à l’assemblée. Son intervention, longue et documentée, a dénoncé ce qu’il appelle la guerre globale du capitalisme, sous ses formes économiques, sociales, idéologiques et militaires.
Il a rappelé la situation dramatique aux États-Unis, où 40 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, et mis en garde contre les effets dévastateurs d’une dette publique qui dépasse aujourd’hui 3345 milliards d’euros. Cette dette, affirme-t-il, n’est pas la nôtre, mais un levier politique pour privatiser les biens publics et gouverner par la peur.
Brémond a également dénoncé la manipulation des institutions démocratiques, citant la récente dissolution de l’Assemblée nationale comme une tentative cynique de provoquer une majorité d’extrême droite, sans respect pour les résultats du scrutin.
Il a critiqué ce qu’il appelle la guerre idéologique menée via les médias et les écoles de gestion, en diffusant trois grandes contre-vérités :
· la génération du baby-boom accusée d’avoir « vécu à crédit » ;
· les bienfaits supposés de la « concurrence libre et non faussée » ;
· la dénonciation de l’État-providence comme une charge, alors qu’il s’agit d’une conquête des travailleurs.
Enfin, il a alerté sur le détournement du discours de la paix pour justifier des guerres dites humanitaires, citant les interventions en Syrie ou en Iran, analysées comme des entreprises impérialistes motivées par l’accès aux ressources et la domination stratégique.
« N’avons-nous pas le sentiment que la guerre et l’exploitation menacent l’humanité ? », a-t-il demandé, avant d’appeler à renforcer le collectif CNRJ (Collectif Non à la Remilitarisation de la Jeunesse).
Et de conclure : « Se rassembler, c’est déjà résister. »
Laurence Bernier porte-parole du collectif pour la paix au Proche Orient : "pour que le battement unanime de nos cœurs écarte l'horrible cauchemar"
Laurence Bernier, porte-parole du Collectif pour la paix au Proche-Orient, a repris l’appel poignant de Jean Jaurès lancé cinq jours avant sa mort, invitant les peuples à unir leurs forces pour faire barrage à la guerre. À ses yeux, ces mots résonnent aujourd’hui avec une acuité brûlante face à la situation dramatique à Gaza et en Cisjordanie.
Elle a dénoncé un processus d’anéantissement d’un peuple souverain, qualifiant les événements en cours de génocide, terme récemment projeté par Amnesty International lors des Jeux olympiques. Elle a décrit la réalité quotidienne : enfants tués, famine, hôpitaux détruits, villages attaqués, militants ciblés.
Mais loin du désespoir, Laurence Bernier a insisté sur l’efficacité de la mobilisation citoyenne. Selon elle, ce sont les actions répétées des pacifistes – et non une prise de conscience présidentielle – qui ont contraint Emmanuel Macron à évoquer la reconnaissance de l’État de Palestine, potentiellement suivie par d'autres grandes puissances. Cette reconnaissance, dit-elle, n’est pas une fin mais un point d’appui : un signal politique fort pour les Palestiniens, un encouragement pour les mobilisations, une défense du droit international face à la logique de force.
Elle a conclu en appelant à poursuivre les combats pour la justice, la paix, la fin de l’occupation, la libération des prisonniers politiques et l’ouverture de l’aide humanitaire.:
« Unissons-nous pour que le battement unanime de nos cœurs écarte l’horrible cauchemar. »
Porte-parole de la LDH : « Vivos voco, mortuos plango, fulgura frango »
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a ouvert son intervention en citant la devise prononcée par Jean Jaurès à Bâle en 1912 : « Vivos voco, mortuos plango, fulgura frango ». Un appel à la vigilance, au deuil lucide et à la résistance active, qui résonne aujourd’hui dans le vacarme des guerres et le silence des chancelleries.
Reprenant cet héritage, la LDH a dressé un constat sévère : à Gaza, le droit est piétiné, les civils sont ciblés, et les mécanismes internationaux de protection des populations échouent à enrayer un processus d’anéantissement. Elle a salué la décision de la Cour internationale de justice qui, dès janvier 2024, a reconnu un risque de génocide et souligné l’obligation pour tous les États, sans exception, de prendre des mesures concrètes pour le prévenir.
Mais la LDH a dénoncé l’inaction persistante de nombreuses puissances, y compris la France, qui maintiennent leurs liens militaires et commerciaux avec Israël, malgré les alertes. Elle a rappelé que livrer des armes, fermer les yeux sur leur usage, ou retarder des décisions politiques essentielles – comme la reconnaissance pleine et entière de l’État de Palestine – revient à s’exposer à une forme de complicité, non seulement devant l’Histoire, mais potentiellement devant la justice.
« On ne peut pas continuer à proclamer des valeurs universelles tout en s’asseyant sur les mécanismes censés les protéger », a-t-elle déclaré. Elle a appelé à rompre sans délai avec la logique d’exception qui permet, sous couvert de sécurité ou de lutte contre le terrorisme, de suspendre l’application du droit international humanitaire.
La LDH a conclu en affirmant que ce ne sont ni les armes ni les alliances qui protègent les peuples, mais le respect du droit, et que ce droit ne vaut que s’il s’applique à tous, partout, sans hiérarchie de souffrance ni privilège d’impunité.
Danièle Ponsot (ANACR Nord Jura) : « Jaurès, la paix pour tous »
Danièle Ponsot, présidente de l’ANACR Nord Jura, a rappelé l’engagement de Jean Jaurès pour la paix universelle, même dans un contexte aussi sensible que l’annexion de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne en 1871.
« Jaurès ne voulait pas d’une guerre de revanche », a-t-elle affirmé. Au contraire, il croyait possible une issue fondée sur la démocratisation de l’Allemagne, voire un statut mixte pour les territoires disputés. Vision audacieuse pour son époque.
Elle a également souligné l’évolution politique de Jaurès : jeune républicain admirateur de Gambetta et Ferry, il soutenait au départ l’œuvre coloniale, mais son attachement à la justice et à l’humanité l’a rapidement conduit à s’y opposer. Il a compris que les autres peuples ont droit à la liberté et à la dignité, et que leur culture vaut autant que celle de la France.
Elle a terminé par un récit sobre des dernières heures de Jean Jaurès, le 31 juillet 1914. Après avoir tenté une ultime démarche pour la paix auprès du gouvernement, il s’était rendu au journal L’Humanité pour y dicter un article décisif. Il fut assassiné peu après, alors qu’il déjeunait avec des proches.
« Jusqu’à son dernier souffle, la paix fut son combat. »
Parti Communiste Français : « La paix est impossible sans justice »
Un représentant du Parti Communiste Français a pris la parole pour dénoncer l’accélération des dépenses militaires dans le monde, dans un contexte où les conflits se multiplient et où les institutions internationales sont affaiblies.
Il a cité des chiffres évocateurs :
· 2700 milliards de dollars de dépenses militaires mondiales,
· contre seulement 211 milliards pour l’aide au développement,
· et 3 milliards pour le budget de l’ONU, soit 38 fois moins que les dépenses françaises à venir pour la défense.
« Comment croire qu’augmenter les dépenses pour faire la guerre, tout en baissant celles pour l’éviter, pourrait mener à la paix ? », a-t-il interrogé.
Et d’ajouter, citant Desmond Tutu : « La paix est impossible sans justice. »
Pour le PCF, la course à l’armement actuelle ne vise pas à prévenir les guerres mais à les rendre possibles au profit d’intérêts privés et géopolitiques. L’orateur a dénoncé le rôle croissant de l’OTAN, la complicité des grandes puissances dans le piétinement du droit international, et les conséquences sociales dramatiques en France d’un budget militaire à 100 milliards.
Il a conclu en citant Jaurès :
« Le courage, ce n’est pas de laisser à la force la solution des conflits que la raison peut résoudre. »
Un appel clair à revenir à la raison, à la coopération, au droit et à la justice.
Une mémoire qui appelle à l’action
Ce moment de recueillement s’est affirmé comme un acte de résistance, où la mémoire de Jean Jaurès n’a pas été figée dans l’histoire, mais mobilisée pour penser et agir dans le présent.
« J’ose dire avec des millions d’hommes que la grande paix humaine est possible. » – Jean Jaurès.