Grand Lac de Desnes: "Libres comme l'eau", un élan citoyen pour que la baignade reste un droit
"Libres comme l'eau", une association créée pour défendre le droit de continuer à se baigner dans le Grand Lac de Desnes.
"A propos, aimez-vous faire des bulles de savon au bord d'un lac, lorsque le soleil se couche, qu'on entend les remous des carpes, et qu'un pêcheur immobile, «assis», se regarde en silence dans le miroir de l'eau?" Ferdydurke (1937) de Witold Gombrowicz.

C’est avec une certaine surprise que de nombreux usagers du Grand Lac de Desnes ont découvert dans le magazine communautaire Com-ça que les berges et les eaux du site avaient été confiées en location à une société de pêche. Ce lieu naturel, fréquenté depuis plus d’une décennie par des habitants des alentours, voit aujourd’hui ses usages historiques remis en question sans qu’aucune concertation n’ait eu lieu.
Face à cette situation, un collectif d’usagers s’est constitué en une association « Libres comme l’eau » rassemblant plus de cinquante personnes, toutes utilisatrices régulières, respectueuses du site et résidentes de la Communauté de Communes Bresse Haute Seille (CCBHS). Leur objectif : proposer une alternative à l’exclusion de certains usages et ouvrir un dialogue constructif avec les élus et les nouveaux exploitants du site.
Votre média Trente-neuf degrés m’a envoyé au bord du lac pour interroger Claire Chapuis, présidente de l’association et son trésorier Matthieu Bourdenet.
Votre association est née d’un besoin de dialogue. Dites-nous-en davantage.
Notre démarche n'est pas celle de l’opposition mais bien celle de la concertation. Conscients de la complexité de la gestion du Grand Lac, nous comprenons la volonté de la CCBHS de mettre fin aux incivilités qui ont marqué certains étés : dépôts de déchets, incendies, véhicules abandonnés… Mais ces dégradations sont le fait d’une infime minorité. À l’inverse, notre association se veut représentative de la majorité silencieuse et respectueuse des usagers.
Notre association a vu le jour dans l’urgence, après la parution de l’article dans Com-ça et l’observation des premiers aménagements sur le site. Nous avons découvert a posteriori qu’un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) avait été lancé en 2024 concernant l’avenir du Grand Lac. À ce jour, nous n’avons connaissance d’aucun habitant ayant été informé de cette démarche, ni même d’élus municipaux au sein de la CCBHS. Nous demandons donc à pouvoir consulter les détails du projet et les décisions politiques prises à ce sujet.
Vous dites que c’est un lieu qui répond à des besoins forts du territoire. Quels sont ces besoins ?
Si le Grand Lac est devenu un lieu de vie important pour les habitants de la CCBHS, c’est parce qu’il répond à des besoins essentiels :
• Se rafraîchir lors des épisodes de forte chaleur, dans une eau propre et naturelle.
• Profiter de berges ombragées à toute heure, contrairement à l’espace artificialisé de Jura-Splash déjà régulièrement surpeuplé et ouvert uniquement sur une plage horaire restreinte et 10 semaines par an.
• Pratiquer des activités physiques (natation, kayak, paddle, apnée, triathlon), dans un espace non contraint et naturel.
• Partager un lieu intergénérationnel et accessible à tous, sans barrière ni filtrage économique.
• Décompresser dans un cadre naturel, sans incitation à la consommation.
Ces usages, tolérés de longue date, ont forgé des habitudes de vie pour de nombreux résidents. Certains ont même choisi d’acheter leur maison à proximité en partie pour cet accès au Grand Lac.
Comment vous définissez-vous comme usagers ?
Nous apprécions pouvoir mener sur les berges une vie simple et conviviale, qui ne coûte rien, à un petit quart d'heure de nos lieux de résidence. Une pétition en ligne signée par déjà plus de 700 personnes a révélé que l'attachement à ce site est très largement partagé localement.
Contrairement à l’image véhiculée par certains faits isolés, de nombreux membres de notre association participent activement depuis des années à l’entretien et à la protection du site. Des actions de nettoyage ont été réalisées régulièrement, des comportements irrespectueux dissuadés, et des infractions signalées à l’OFB. Plusieurs procès-verbaux en témoignent.
Si le site est aujourd’hui dans un état préservé, c’est aussi grâce à ces efforts discrets mais constants.
Pensez-vous qu'une coexistence soit possible avec l'activité pêche ?
Le projet d’exploitation commerciale du lac étant acté, nous ne remettons pas en cause son existence. Mais nous proposons d’aménager un partage équilibré du lieu, entre pêcheurs et usagers locaux.
Les discussions que nous avons pu avoir entre adhérents de l'association ont fait émerger quelques idées (hypothétiques et à discuter), qui permettraient de cohabiter de manière harmonieuse sur les bases suivantes :
• Limiter la baignade à certaines plages horaires (principalement en journée l’été), les pêcheurs à la carpe pratiquant surtout de nuit.
• Délimiter des zones spécifiques pour chaque activité (baignade, nage libre, pêche, kayak, etc.).
• Établir un règlement intérieur, signé par les membres de notre association, afin d’encadrer les pratiques et écarter les comportements nuisibles.
• Mettre en place un système de carte d’adhésion, garantissant l’engagement des usagers au respect des règles.
• Continuer nos actions de veille, de sensibilisation et de nettoyage, en partenariat avec les exploitants et les collectivités.
Ces propositions visent à éviter toute montée de tension, à maintenir la tranquillité du site, et à préserver les usages de tous. Globalement, nous pensons qu'il serait plus judicieux pour tout le monde d'encadrer plutôt que d'interdire.
Vous appelez à la transparence et à la concertation ?
Enfin, nous souhaitons soulever certaines questions restées sans réponse : pourquoi autoriser la pêche mais pas la baignade, alors que les deux sont de la même manière interdites par arrêté municipal ? Pourquoi ne pas envisager, comme ailleurs dans le Jura, un système hybride combinant zones à accès contrôlé et baignade surveillée (Jura splash) et zones de baignade librement accessibles ? Pourquoi ne pas impliquer les usagers historiques dans les décisions qui les concernent ?
L’association que nous représentons est prête à s’investir, à co-construire, à dialoguer. Elle ne cautionnera ni les dégradations, ni les confrontations, mais elle alerte sur les risques d’un projet mené sans consultation. La privation brutale d’un espace de vie partagé depuis longtemps pourrait en effet nourrir de nouvelles tensions, que personne ne souhaite.
Notre seule ambition est de construire un projet juste, équilibré et durable, pour que le Grand Lac de Desnes continue à vivre… pour tous.

Un rendez-vous a été obtenu avec le Président de la CCBHS, Jean-Louis Maître (maire de Commenailles), ainsi que Fabrice Grimaud (Vice-Président et maire de Desnes) et M. Thibault (Chargé de mission tourisme) le vendredi 16 mai.
Les doléances et les demandes de l'association ont pu être exprimées. Nous attendons désormais un retour des élus quant aux propositions effectuées.
👉🏻 Affaire à suivre…
Association "Libres comme l'eau"
- Présidente: Claire Chapuis Ravier
- Trésorier: Matthieu Bourdenet
- Secrétaire: Christine Lachat
- Adhésion: 10€
Facebook: Les amis du lac de Desnes